Le cauchemar de PSA : fin de la « compétitivité » à l’iranienne

Posted on juillet 13, 2012

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L’annonce de la fermeture de plusieurs usines française du Groupe PSA, parmi lesquelles, la légendaire usine anciennement Citroën d’AULNAY SOUS BOIS  (où les ouvriers en grève avaient reçu une pluie de boulons !) a provoqué non point la surprise, mais la consternation.

Yann Savidan ,Nicolas,Slovar, Alter Oueb,Captain Aka, CC, et bien d’autres, se posent à ce sujet  des questions, les bonnes questions.

Néanmoins, depuis février 2012, le Groupe PSA a signé un contrat décisif, sur lequel, en pleine campagne électorale, rien n’a filtré dans l’actualité.

Il faut savoir que sans égard pour les iraniens qui vivent depuis plus de 30 ans, dans des conditions sociales, économiques et civiques épouvantables, le GROUPE PSA Peugeot Citroën a estimé pouvoir soutenir très directement le régime des mollahs non pas en « délocalisant » ses chaînes de montage, mais en sous-traitant, pour que cela se voit moins, le montage des véhicules français, à l’entreprise publique d’automobile iranienne « IRAN KHODRO« , réalisant ainsi près de 25%  de son activité. Renault, tout comme Mercédès, ont copié leur rival et ne sont pas absent d’Iran : nul doute que d’ici quelques semaines, l’actualité ne nous contraigne à en reparler.

En février 2012, dans le cadre des sanctions économiques contre l’Iran, décidées par la communauté internationale et afin de mutualiser avec General Motors, ses moyens à l’étranger où il réalise 42% de son chiffre d’affaire, le groupe PSA  a signé avec l’américain GM, un contrat d’alliance, dont on peut lire les grandes lignes à la page 384 son  Document de référence.

Par cet engagement, PSA s’est vu contraint d’interrompre ses livraisons de pièces détachées à l’Iran. On peut lire les communiqués dans les numéros des ECHOS des 29 et 30 mars 2012.

Il faut souligner que PSA a fait la prospérité d’IRAN KHODRO et que sous son égide, avec la bénédiction du gouvernement algérien, Iran KHODRO a ouvert une unité de montage en Algérie même, au Sénégal et dans plusieurs pays du Moyen Orient où une large part des véhicules PSA sont commercialisés sous sa marque.

 Or, malgré  une industrie automobile du coup, florissante et ses pétro-dollars, l’Iran est dans une situation économique et sociale catastrophique. La stratégie du Groupe PSA en Iran [et celle des autres groupes qui y sous traitent ou délocalisent leurs productions]n’a donc fait que conforter une dictature, sans que les ouvriers iraniens qui travaillent sur les chaînes de montage n’en bénéficient de la moindre façon. Compétitivité à l’iranienne signifie tout simplement pour ces patrons, soit directement soit au travers d’un sous-traitant, dans notre cas rien moins qu’une entreprise publique, se soustraient à tout paiement de charges sociales au travers desquelles sont co-financées avec les salariés, dans une société normalement développée, la santé, la prévoyance, la formation professionnelle continue  et la retraite, des salariés de l’entreprise et de la branche professionnelle.

Rappelons que le financement de cette protection sociale se structure autour de prélèvements sur le salaire brut du salarié (part salariale) et de cotisations proportionnelles au salaire brut du salarié, à verser aux organismes sociaux par l’employeur (part patronale).

Rappelons aussi que les déficits chez nous tant de la sécurité sociale que des organismes de retraite, non seulement sont dus à une baisse des cotisations proportionnelle au sous-emploi (chômage), mais également au non paiement par les employeurs non seulement de la part patronale, mais encore, trop souvent, de la part salariale qu’ils ont prélevée sur les salaires bruts de leurs ouvriers. Cette question d’un déficit de recouvrement des cotisations par les organismes sociaux existe même dans les pays où le taux et l’assiette des cotisations sont faibles : précisément pour nous limiter à notre propos, en Iran, en Chine … Cela démontre que la baisse des cotisations sociales n’améliore nullement leur paiement par les employeurs assujettis.

Marie LADIER-FOULADI, Chercheur CNRS-CEPED à l’Université Paris Descartes est spécialiste de l’Iran. On lira  ici,  l’état de la protection sociale en Iran.

Qu’est-ce que la compétitivité d’une entreprise, lorsqu’elle se fait au détriment des droits sociaux minimaux de ses salariés ? Il n’est pas inutile de rappeler ici que le respect de ces droits sociaux minimaux est prescrit par notre « bloc » de constitutionnalité (préambule de la Constitution de 1946 figurant en tête de la Constitution de la Vème République) : il est un objectif constitutionnel qui commande les politiques publiques, ce qui frappe de l’opprobre le plus fort, les stratégies des entreprises qui sous traitent à l’étranger ou « délocalisent » dans le but de se soustraire aux politiques publiques visant au respect de cet objectif constitutionnel.

 Comment ose-t-on faire monter un français dans une voiture assemblée dans ces conditions et faire le beau au sein du MEDEF ou devant les caméras de télévision, en se gargarisant du mot « compétitivité » ? Une exigence de moralisation et de réalisme quant aux effets destructeurs de la course aux profits à court terme, commence  à monter dans l’opinion.

On comprend mieux comment un  Directoire tel celui de PSA , aguerri par ses relations industrielles « sans état d’âme » en Iran et ailleurs, puisse être aussi indifférent à la prospérité de notre pays et au socle de droits sociaux qui conditionnent un haut niveau de développement.

On comprend qu’animé par la vision à courte vue des intérêts de ses actionnaires, il puisse mettre autant d’énergie à essayer de casser notre modèle social ce qui lui permettrait de produire en Europe, sans frais de transport de ses véhicules ! Comment imaginer que des personnes intelligentes puissent faire le projet de tuer le développement, de tuer la poule aux oeufs d’or ?  Quel couteaux ont-ils sous la gorge  ? Tout simplement, ceux de leur propre faillite, de la « kervielisation » de leurs stratégies, lesquels les obligent à une fuite en avant !

Pour s’en convaincre, il suffit de lire la structure et la répartition du capital social du Groupe PSA :

Répartition du capital et des droits de vote au 30 mars 2012

Source Euroclear TPI 30 mars 2012 et Thomson Reuters.

Les « institutionnels » : ce sont des banques ! Pour la France, il s’agit de BNP Paris Bas, Natixis, Caisse des Dépôts …

Au 31 mars 2012, on peut lire que  General Motors est au capital de PSA à hauteur de près de 6%.

Aussi est-il pertinent de nous unir derrière le gouvernement de gauche que nous avons élu et non pas de tirer sur une ambulance qui se porte bien.

Il est nécessaire de changer la donne : d’imposer que la production prévue en Iran soit réalisée en France,  au lieu de gémir sur le fait que d’autres continuent leur collaboration avec l’Iran : la preuve est apportée que contribuer à la prospérité d’une dictature là-bas et où qu’elle soit, c’est assassiner les peuples là-bas et c’est condamner inéluctablement le développement et la démocratie ici !

 Une communication offensive  doit être faite,  sur la nécessaire moralisation industrielle, car il n’y aura pas sans elle, de réindustrialisation de la France et de sortie de crise économique en Europe et dans le monde.

Ce qui arrive aux salariés de PSA, si le projet du Directoire actuel se réalise, impactera pour longtemps nos vies à tous.

Réduction des salaires, régression de la protection sociale, précarisation des retraités, précarisation des contrats de travail, diminution de la durée des congés payés, augmentation de la durée légale du travail : les modèles sociaux iraniens ou chinois sont une grande tentation pour les grandes entreprises et leurs actionnaires. (En Chine, à peine 50% des chinois ont une assurance maladie. Les personnes âgées sont à la charge des jeunes ou à la rue. La durée des congés annuels entre 16 et 20 j/ an. Le licenciement non protégé … et j’en passe)

Nous pouvons nous réjouir que Barak Obama ait été élu aux USA et espérer fortement qu’il soit réélu : car qui d’autre aurait pu parvenir à empêcher le français PSA de faire la prospérité financière de la dictature iranienne ?

Il est extrêmement difficile d’obtenir des chiffres en provenance d’Iran : aussi, le travail de Marie LADIER-FOULADI est-il en cours. Mais les données qu’elle y a déjà rassemblées sont fiables : la situation en Iran est catastrophique.

Cependant, la pression populaire s’y fait plus forte, comme l’ont montré les évènements qui ont suivi l’élection contesté de l’actuel chef d’état. Comment hurler de révolte face au peuple syrien qui manifeste et meurt sous les balles, en restant indifférent au sort du peuple iranien ? Comment supporter que les salariés de chez PSA France fassent de plein fouet les frais du désengagement de PSA en Iran, sans dire un mot de ce qu’y vit le peuple et de son travail qui a permis aux actionnaires de PSA de s’enrichir « sans état d’âme » ?

 S’agissant de la fermeture des usines françaises qui seraient affectées par l’interruption des livraisons de pièces détachées à l’Iran et du milliard qui manquerait en trésorerie du groupe, trois mesures simples me semblent pouvoir être préconisées en urgence :

1. Les chaînes de montage des voitures doivent être réouvertes en France.

2. Les revenus personnels que les dirigeants de PSA ont engrangés depuis 2009, atteignant plus de 3 MILLIONS d’€/an pour le seul PDG, sans compter les rémunérations inouïes des autres membres du Directoire,  doivent être remis dans la Trésorerie du Groupe.

3. Contrairement au cadeau d’une aide publique sans contre-partie fait à PSA en 2008 par le gouvernement Sarkozy (à partir de laquelle la rémunération du PDG est passée de 700 000 €/an à 3 millions d’€/an !!! et mêmes proportions pour celle des autres membres du Directoire !), le gouvernement de JM AYRAULT doit fournir une aide mais avec des contreparties : l’Etat doit entrer dans le capital de PSA  à proportion de l’aide publique, mais avec un droit de veto sur les cessions de capital, la  rémunération des dirigeants, la sous-traitance et la délocalisation de tout ou partie d’une production, à l’étranger et ce, d’autant plus si elles sont envisagées vers un pays qui impose à son peuple une dictature sanguinaire.

Il serait catastrophique pour notre propre avenir, que nous oublions la Révolution verte d’Iran, écrasée par une répression féroce, l’emprisonnement et la pendaison de nombreux manifestants.  Catastrophique que   Neda Soltani, cette étudiante tuée en pleine rue, soit morte pour rien, et que ce qui est infligé au peuple iranien pour qu’il se taise, se perpétue plusieurs années encore. Catastrophique que la dictature iranienne actuelle, continue d’être alimentée financièrement par les groupes industriels français Aucune usine ne doit fermer en France, aucun impératif financier ne l’impose, le coût du travail pèse moins chez nous qu’en Norvège dont la prospérité et le niveau de vie sont sans commune mesure avec les nôtres ! Notre pays subit simplement une agression économique et sociale : j’espère que nous saurons y riposter.  

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