Pénalisation des clients prostitueurs.Un discours qui force l’admiration.Une loi qui peine à convaincre.

Posted on décembre 3, 2013

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« Avant qu’un client puisse acheter une prestation sexuelle, quelque part dans l’une de nos rues ou à la lisière de nos bois, il y a des femmes et parfois des hommes qui sont vendus et achetés, échangés, séquestrés, violés et torturés, trompés, rackettés, spoliés, soumis aux pires aux chantages ainsi que leurs familles et leurs enfants, exportés et importés comme n’importe quelle marchandise, animal ou denrée périssable. »

Discours de Najat Vallaud-Belkhacem, ce 29 novembre 2013 à l’Assemblée Nationale.

Les plaisanteries les plus grivoises ont commenté à leur façon les débats du Parlement… preuve d’une incrédulité persistante à imaginer ce calvaire qu’est le chemin qui mène à la prostitution.

Ex. Il n’a pas 20 ans. Il est français. Il est « trans » mais ne s’habille pas en fille tout le temps : il dit qu’il fait des efforts pour se viriliser ! Depuis quelques temps, il se maquille moins. Il dit qu’il ne se prostitue plus … Il raconte qu’en réalité, il  a simplement de fait de mauvaises rencontres : quelqu’un qui lui a proposé « de le faire » et il l’a fait,  à l’orée de l’un de ces bois dont parle NVB. Il s’est fait battre car il a été un intrus sur ce trottoir tenu par des habitués … Mais au bout d’un moment, il a accepté de remettre son argent et s’est fait accepter. Il est d’une effroyable maigreur, il est plein de cicatrices, il ment comme il respire et malgré une politesse obséquieuse, il ne cherche qu’un lieu où dormir, une table où bien manger, car il est difficile … et à boire, surtout à boire … sans pouvoir s’attacher réellement à qui que ce soit : au bout d’un moment, ça ne pousse pas à l’aider.

La prostitution détruit ceux qui y glissent.

Ex. Elle a 25 ans, deux enfants. Elle est roumaine.Elle avait tellement froid. Elle a parlé à quelqu’un qui l’a vue et lui a proposé un café : comme ça, tout à coup, elle a « tout dit » … Non pas tout. Pas qu’en plus de l’avoir soumise à se prostituer, après l’avoir emmenée en Italie soit-disant pour travailler dans un hôtel, son proxénète l’avait transformée en chienne de garde … et que pour éviter d’aller elle-même « au travail », elle avait accepté de frapper d’autres filles à coup de ceinture, de leur prendre leur argent pour le remettre au proxénète et pire que ça : que le proxénète, bien qu’elle fasse la fière et la brutale aux yeux des autres filles, ne cessait de la battre elle car elle ne rapportait jamais assez. Et finalement, en exigeant toujours plus des filles, elle a réussi à trouver un certain confort et par prendre goût à cet horrible commandement. 

L’un des moyens des proxénètes pour empêcher les prostitué(e)s de devenir folle ou de s’enfuir et porter plainte, c’est de les compromettre. S’identifier au proxénète tout puissant apaise la peur.

Dans un tel contexte, est-il imaginable qu’un(e) prostitué(e) aille porter plainte contre un client violent ?

La prostitution détruit ceux et celles qui y sont contraints. Les deux prostitués que j’évoque pour exemple, ont saisi la main tendue. Mais que faire pour qu’ils ne la lâche pas ? L’aide sera-t-elle cohérente et continue jusqu’à ce qu’ils soient sortis véritablement de l’ornière ? La réparation de personnes si abîmées avant même d’être devenues adultes, est-elle possible ?

J’espérais pour ma part, une autre approche législative. Cette loi contient pour moi un premier pas : la dépénalisation des prostitué(e)s par la suppression du délit de raccolage et un faux pas, par la pénalisation du client prostitueur.

L’enfer est pavé de bonnes intentions. J’espérais une loi qui aurait donné à la répression du proxénétisme les moyens qui lui manquent. Je ne retiens pas tout des arguments du groupe d’intellectuels qui ont signé une déclaration publique et parmi lesquels se trouve Elisbeth BADINTER, car des prostitué(é)s qui ont un rapport à leur corps compatible avec la prostitution et qui vont parfaitement bien, on n’en rencontre pas souvent, ils sont certainement une minorité exceptionnelle.

Mais j’adhère à l’énoncé suivant :

« Si la ministre des Droits des Femmes avait annoncé son intention de mettre un terme à l’esclavage des femmes par les réseaux mafieux, tous, hommes et femmes confondus, applaudiraient son initiative. Cette guerre difficile à mener relève d’un impératif universel. Elle implique, entre autres, une augmentation des effectifs de police, une meilleure coopération internationale, une justice impitoyable et la reconversion ainsi qu’une véritable protection des filles qui dénoncent leurs proxénètes, associée à une possibilité effective de reconversion. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. »

En se focalisant sur le client prostitueur, la loi nouvelle, si elle affirme des principes que toute personne raisonnable partage totalement,  n’ordonne-t-elle pas de mettre en oeuvre des moyens coûteux qui ne changeront pas grand’chose à la vie désastreuse, à la misère profonde de la majorité des prostitué(e)s ?

 

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