Le temps … chienne de vie !

Posted on mars 15, 2013

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linceul - grandes jorasses

Montagne vendredi17 février 2012
Encordés à la culpabilité
Par Charlie Buffet envoyé spécial à chamonix
Dans le milieu de l’alpinisme, chacun vit avec le souvenir de morts qu’on aurait peut-être pu sauver. A Chamonix, guides, psychologues et médecins parlent de ce sentiment qui imprègne la vallée

Bruno Sourzac se souvient de l’aube de ce jour de tempête: samedi 5 novembre. Il est concentré, précis, il a besoin de calme et a choisi une table à l’écart dans l’arrière-salle de La Source, le bar qui fait face aux tours de l’Ecole nationale de ski et d’alpinisme (ENSA), où il forme les aspirants guides. Attentif à n’accuser personne injustement, il veut reconstituer le fil des événements, comprendre et faire comprendre pourquoi il y a eu ce bug. Quand il arrive au moment, ce matin du 5 novembre 2011, où ce qui restait possible n’est pas advenu, son regard se voile.

L’été indien avait pris fin brutalement trois jours plus tôt. La tempête était sur le massif du Mont-Blanc. «Ce samedi, le foehn soufflait en violentes rafales jusque dans la vallée de Chamonix», se souvient le météorologue Yan Giezendanner. «Au moins 100 kilomètres/heure. En altitude, c’était la ­folie.»

La veille, Bruno Sourzac, 44 ans, avait appris par un SMS des secours en montagne que son frère Olivier, son aîné de quatre ans, était bloqué avec une cliente près du sommet des Grandes Jorasses (4208 mètres). L’affaire s’annonçait mal: la tempête était installée pour plusieurs jours, les hélicos cloués au sol. En deux heures, il a mis sur pied une cordée de secours, passé le tunnel du Mont-Blanc et rejoint le refuge Boccalatte, sur le versant italien des Grandes Jorasses.

Bruno Sourzac parle au présent de cette aube du 5 novembre. A 8 heures du matin, il est avec deux compagnons au sommet des rochers du Reposoir, sans doute à deux ou trois heures de marche de l’endroit où Olivier Sourzac et Charlotte de Metz terminent leur troisième nuit de bivouac. La cordée a passé son dernier appel au milieu de l’après-midi précédent. Le guide a indiqué que sa cliente est épuisée et qu’ils attendent les secours. Puis leurs voix se sont tues: les deux téléphones sont en panne de batterie.

Bruno Sourzac voit le jour glauque se lever sur les Grandes Jorassses, il entend le vent ronfler sur les arêtes toutes proches. La montagne reste praticable, mais la cordée de soutien, qui devait apporter le matériel de secours, a été retardée: ainsi en ont décidé les responsables des secours français et italiens, inquiets des risques de suraccident. Pour Bruno Sourzac et ses deux compagnons, rejoindre son frère et sa cliente en perdition serait s’exposer à être bloqués à leur tour: «On attend une heure pour voir comment ça s’oriente. On réfléchit, on passe des coups de fil en vallée, puis on décide de redescendre.»

Ce jour-là, Bruno Sourzac reste seul au refuge Boccalatte. L’équipe de soutien y arrive le soir. Une tentative lancée dans la nuit tourne court. Les risques d’avalanche sont trop forts pour qu’une caravane terrestre s’aventure jusqu’au sommet des Grandes Jorasses. Pendant trois jours, le rouleau de foehn va rester bloqué sur la crête frontalière, réduisant la visibilité à néant et empêchant toute approche aérienne.

La culpabilité, dit Bruno, n’est pas venue tout de suite. «Dans l’action, je n’y ai pas pensé. Sur le moment, j’étais d’accord que ça n’avait pas de sens de continuer.» Mais après… il répète à deux reprises qu’il était encore possible à ce moment-là de rejoindre Olivier et Charlotte. «Si on avait poussé… on aurait pu les retrouver, les aider à se déplacer. Il n’y aurait eu que deux nuits à passer dans des conditions difficiles.»

Et plus tard: «Ça n’aurait fait que deux nuits un peu roots à passer, on aurait pu les faire changer d’endroit. Se mettre dans une rimaye aurait pu complètement changer la donne. On ne peut pas réécrire l’histoire… mais si au moins j’avais poussé tout seul…» Il répète: la culpabilité, «c’est venu après, en ressassant l’histoire».

Les matins d’hiver, l’air froid et lourd pèse sur Chamonix. Vers midi, un soleil léthargique se hisse pour une paire d’heures au-dessus de la masse du Mont-Blanc et tente de dissoudre les écharpes de brume accrochées aux toits des chalets. «On est dans le cuchon, dans le fond de la marmite», dit Claire Jaccoux, psychanalyste dans la vallée depuis bientôt vingt ans. Elle jette un œil vers le ciel par la fenêtre de son cabinet. La flèche de granit du Dru est comme un index dressé vers la lumière. «Là, je suis très étonnée, depuis trois semaines, avec ces conditions de neige, il n’y a pas eu d’accident. On redoute. On fait le gros dos dans cette vallée.»

C’est dit sans colère, comme un profond ras-le-bol: «C’est une présence. Nous, on est en dessous et on pare les coups.» Elle raconte qu’elle ressent parfois le besoin de s’échapper, d’aller au sud, de «respirer, voir d’autres horizons, le ciel rose et large». «La dernière fois, c’était juste après la mort d’Olivier Sourzac. Tu te dis: non, c’est insoutenable, mais on est bien obligés de le soutenir. Nous, les vivants, on reste avec ce qu’ils nous ont laissé, les alpinistes. Peut-être qu’ils sont plus audacieux que nous, plus téméraires, plus vivants, et ils nous laissent avec leur mort.»

La thérapeute explique à mots pesés qu’elle vit ici «quelque chose de très particulier» qu’elle n’avait pas imaginé quand elle s’est installée, et qu’elle ressent souvent le besoin d’échanger avec des confrères qui comprennent combien sa situation est exceptionnelle.

Elle peine à décrire la violence des disparitions à répétition qui laissent les proches KO: «C’est une brisure, une cassure, ça éclate, c’est très brutal… A chaque fois, ça vient toucher la personne au vif du sujet, et chacun réagit en fonction de lui-même, de son histoire. Ça s’organise dans le destin de chacun.»

Claire Jaccoux tente d’aider ses patients à surmonter le traumatisme. «La constante, dit-elle, c’est la violence du choc. Mais il n’y a pas une manière unique de réagir, comme s’il suffisait de les faire parler pour qu’ils s’en sortent. Oui, on va les faire parler, mais ce qu’il faut entendre, c’est comment ça résonne dans l’histoire du sujet.»

La thérapeute aide les proches d’alpinistes, et parfois les alpinistes eux-mêmes, à dépasser la stupeur et à surmonter leur culpabilité. Elle n’était pas préparée à ce qu’elle vit ici. Elle ne s’y habitue pas. Mais elle est mariée avec un guide, elle pratique l’alpinisme, elle comprend. Elle a de l’admiration: «La beauté du geste, du moment, la capacité à créer, à inventer des voies… C’est beau ce qu’ils font, ces gamins, c’est une beauté… Il faut y aller, il faut que l’élan soit là pour partir, inventer, réaliser, revenir…»

Trois mille mètres au-dessus du cabinet de Claire Jaccoux, les aiguilles de Chamonix attrapent la lumière. Il n’y a pas une ville au monde où l’horizon soit aussi haut.

En 2011, selon le Syndicat national des guides de montagne, trois guides sont morts dans l’exercice de leur métier, un quatrième dans son activité amateur, un cinquième dans un accident d’hélicoptère. Sur 1800 guides en activité, ça ne fait pas une épidémie. Mais deux biais décuplent l’impact de ces chiffres: les victimes (qui ne sont pas toutes guides) sont le plus souvent jeunes, en pleine possession de leurs moyens. Et, surtout, toute une lignée de leaders de l’alpinisme français a été décimée: Benoît Chamoux, Jean-Marc Boivin, Pierre Béghin, Chantal Mauduit, Godefroy Perroux, Eric Escoffier, Patrick Berhault, Jean-Christophe Lafaille. Au Musée alpin de Chamonix, une exposition aligne leurs portraits, comme un hommage au cercle des grimpeurs disparus.

En janvier, Bruno Sourzac a repris son travail à l’ENSA après deux mois en disponibilité. Il a connu des disparitions. Il a été frappé en 2004 par la mort de son copain ­Patrick Berhault, avec qui il avait réalisé un bel enchaînement quelques années plus tôt dans l’Oisans. «Mais un frère, ce n’est pas la même chose. Je n’ai jamais connu de moments aussi durs.»

Il évoque ce grand frère à qui il ressemble, mêmes traits aiguisés, avec qui il a fait ses premiers pas en spéléo dans les gouffres autour d’Annecy, puis en montagne dès l’âge de 17 ans. Une fois guide, Olivier s’est laissé accaparer par le boulot, tandis que Bruno multipliait les expéditions en Patagonie, les solos. «J’ai acquis plus de compétence, raconte-t-il, le rôle dans la cordée s’est inversé. J’étais un peu devenu le grand frère en montagne.»

Bruno et Olivier habitaient à quelques centaines de mètres l’un de l’autre sur le plateau d’Assy, au sortir de la vallée de Chamonix. «En octobre, lors d’un pique-nique en famille, Olivier m’a demandé des tuyaux sur la face nord des Grandes Jorasses, que je connais bien.» Olivier devait emmener sa cliente Charlotte dans le Linceul, un grand rideau de glace raide, sur la gauche de la face.

Le mardi 1er novembre, Bruno a su par un SMS que son frère était au refuge de Leschaux et qu’il attaquerait la voie le lendemain. Deux jours plus tard, lorsqu’il a vu un gros lenticulaire coiffer le sommet du Mont-Blanc, il s’est inquiété. «C’était assez impressionnant, du coup j’ai pris le bulletin météo. Je me suis dit que s’ils étaient encore là-haut, ils allaient passer un sale moment: on annonçait 160 km/h de vent à l’aiguille du Midi… J’ai mis un SMS à Olivier pour lui demander si ça allait. Je n’ai jamais eu de réponse. Je pense qu’assez vite il est tombé en panne de téléphone.»

Bruno Sourzac a reconstitué les derniers jours de son frère grâce aux photos récupérées dans les appareils et aux enregistrements de ses appels au Peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM), responsable des secours en Haute-Savoie. Ces photos racontent une course tranquille, peut-être trop. On voit Charlotte sourire le soir au refuge, emmitouflée dans sa veste de Gore-Tex rouge. Elle sourit encore le lendemain vers 10 heures, à l’attaque de la voie (déjà trop tard pour espérer sortir de la voie dans la journée). Olivier a photographié la viande des Grisons vendue par son ami boucher et l’emballage posé sur un piolet. Le temps est beau ce mercredi matin dans la lumière de la face nord.

Le lendemain à l’aube, c’est une autre affaire. Olivier et sa cliente, trop lents, ont été contraints à un bivouac imprévu à la sortie de la voie, sur l’arête des Hirondelles. Ils n’ont aucun équipement: juste une couverture de survie, une doudoune pour deux, un réchaud qui sera bientôt à court de gaz. Charlotte a l’expérience des bivouacs frugaux avec Olivier. Les frissons incontrôlables et les claquements de dents, le temps figé, l’envie de dormir et la peur que l’aube n’arrive jamais. L’aube arrive. A 6 h 56, Charlotte sort son appareil. Elle photographie son guide qui essaie de sourire. Elle photographie le soleil qui se lève à l’est du mont Rose, dans une étroite bande argentée, entre deux couches de nuages. L’horizon est tremblé.

Elle photographie ses pieds qui pendent sur le versant français, au nord. Elle tourne le dos au vent, à la tempête qui arrive du sud.

«Le soleil, ils ont dû le voir le temps de prendre la photo», estime Yan Giezendanner, le météorologue qui a travaillé pendant ces journées en coordination avec le PGHM. «Très vite, ils se sont retrouvés dans le brouillard, avec une visibilité parfois réduite à moins de trois mètres. La neige à l’horizontale, un vent de folie qui les désoriente. Le froid n’était pas extrême, environ – 10 °C, mais avec le vent la température ressentie devait approcher les – 20 °C.»

Bruno Sourzac a compilé les archives météo pour reconstituer le drame. «A mon avis, ce qui les a bien consommés, c’est la journée du jeudi, qui a été la pire au niveau météo. Après le bivouac sur l’arête des Hirondelles, ils sont passés par le sommet. Ils ont dû vraiment recevoir.»

Au soir du jeudi 3 novembre, dans la tempête, le guide tente de trouver la voie de descente, qu’il connaît bien. La cordée descend d’environ 200 mètres sur le versant italien, le plus exposé au vent, puis s’immobilise. «A 23 heures, le PGHM reçoit un appel très angoissé de Charlotte, a noté Bruno. Puis, quinze minutes après, un autre, plus posé, d’Olivier. Ils ne bougent plus, ils demandent du secours.»

Le lendemain, Olivier Sourzac passe un dernier appel en début d’après-midi. A cet instant, son frère est en train de monter à sa rencontre, vers le refuge Boccalatte.

Guide et médecin, Emmanuel Cauchy dirige, au sein de l’hôpital de Chamonix, un institut qui s’occupe de médecine de montagne, l’Ifremmont. Comme la psychanalyste Claire Jaccoux, il est confronté aux disparitions et à la stupeur des proches qui l’abordent pour tenter de comprendre. Malgré vingt ans d’expérience comme urgentiste, il se sent toujours démuni: «Le suivi, les cellules médicales de détresse, en ce qui concerne la montagne, c’est zéro.»

Il distingue deux catégories de réactions bien différentes, celles des néophytes et celles des pros. «Pour les premiers, c’est très soudain, très violent. Certains reprennent contact avec moi jusqu’à un an après. Ils ont besoin de comprendre cette rupture brutale. Un fils m’appelle tous les jours en me demandant des éléments médicaux sur la mort de son père, alpiniste. Il ne comprend pas. En fait, il est en demande de soutien psychologique…»

Pour ceux que le docteur Cauchy appelle les «gens du métier», c’est différent. «Certains sont très sensibles, d’autres complètement blindés. Peut-être qu’ils se donnent cette image de brutes pour continuer à faire leur boulot. C’est difficile d’abandonner un métier…»

Ce métier, le médecin dit que c’est un peu la guerre. «J’imagine que ça se passait un peu comme ça pendant le siège de Sarajevo. Tu as l’habitude de voir les gens tomber autour de toi, tu deviens plus hermétique.» Le médecin improvise une comparaison avec la «plasticité synaptique de nos thermorécepteurs». L’émotion ressentie face aux disparitions diminuerait comme la sensation de chaleur sous la douche. «Si tu ne supportes pas les premières brûlures, tu t’enfuis. Mais si c’est progressif, si le premier mort est quelqu’un que tu ne connais pas très bien, il y a un effet d’acclimatation.»

Le docteur Cauchy a un bon blindage d’humour. Il y a quelques années, il avait raconté son expérience de médecin urgentiste dans une série de récits vifs dans lesquels il se donnait le surnom de «Docteur Vertical». Il vient de récidiver avec un polar, Frisson fatal (Ed. Glénat), où l’on a du mal à croire que toute ressemblance avec le personnel de l’hôpital de Chamonix soit fortuite (lui-même se met en scène en loser sympathique, sous le nom d’Austin Power). Mais l’humour ne protège pas de tout. Comme beaucoup de guides, le docteur Cauchy a connu la culpabilité, «une souffrance permanente, chronique», réveillée par les étapes d’un procès. «Pendant quatre ans, je me suis senti harcelé. Je n’avais pas trop envie de le dire, mais ce n’est pas bon de garder ça pour soi, alors j’ai commencé à en parler à des collègues. Et là, je me suis aperçu qu’ils avaient tous vécu la même chose…»

Tous les guides doivent participer à des recyclages très centrés sur la gestion du risque, obligatoires tous les six ans pour pouvoir continuer à exercer. «Ce sont des exutoires, ça fait du bien à tout le monde: on découvre que l’autre en face a eu les mêmes soucis. Peu de guides peuvent se vanter, sur une carrière de quarante ou cinquante ans, d’avoir été nickel. Tu as forcément fait des conneries, comme un médecin; un médecin qui n’a pas fait une connerie dans sa vie, c’est pas possible. Le bon médecin, comme le bon guide, c’est celui qui en a fait le moins…»

Au matin du lundi 7 novembre, une accalmie permet à l’hélicoptère du PGHM de se poser près du sommet des Grandes Jorasses. Pendant une heure et demie, deux secouristes cherchent en vain des traces d’Olivier Sourzac et de sa cliente. Puis la tempête revient, et l’équipe de secours se replie.

Ce n’est que deux jours plus tard, le mercredi 9 novembre, que l’hélico peut de nouveau approcher le sommet. La face sud des Grandes Jorasses, habituellement rocheuse, est blanche comme une piste de ski. «Himalayenne», dit le météorologue Yan Giezendanner, qui estime qu’en six jours il a pu tomber entre un et deux mètres de neige. Le pilote s’approche du relief pour que le souffle du rotor dégage la neige. Un morceau de tissu rouge apparaît, puis deux corps immobiles, l’un allongé, l’autre en position fœtale. A midi, les corps d’Olivier Sourzac et Charlotte de Metz sont évacués par l’hélicoptère de la sécurité civile italienne.

Quand il analyse le comportement de son frère lors de cette course tragique, Bruno Sourzac emprunte un mot de pilote: il dit qu’Olivier a été «balistique». Malgré l’arrivée de la tempête, il a poursuivi la course, sans prendre conscience que le salut passait par une descente par le versant français, moins exposé. Bruno pense savoir d’où vient cette passivité. Olivier, dit-il, avait eu un grave accident en 2005. A cause d’un malaise, il avait fait une chute de 40 mètres et avait passé deux semaines dans le coma.

Après l’accident, Olivier Sourzac avait repris son métier et réalisé notamment une superbe série d’ascensions difficiles avec Charlotte de Metz. Mais Bruno pense qu’il n’avait pas retrouvé toutes ses facultés: «Je voyais ses progrès réguliers, mais aussi ses défaillances, dit-il. Je n’ai jamais retrouvé le frère que j’avais avant.» Il se souvient d’une belle ascension en commun, la voie des Slovènes dans cette face nord des Grandes Jorasses: «Il avait fait les longueurs les plus délicates. Il avait une bonne adaptation au milieu. Une fois qu’il était dans l’action, il s’en sortait bien.» Mais il ajoute: «Je me rendais compte qu’il subissait.»

Bruno Sourzac est heureux d’avoir fait de «beaux trucs» avec son frère. Mais il se reproche de ne pas lui avoir consacré plus de temps. Aux obsèques d’Olivier, il a exprimé son dégoût pour cette société où le temps ne nous appartient plus, où il faut gagner de la thune en passant sous des séracs pendant que d’autres spéculent sur les denrées alimentaires.

Le lendemain de notre entretien, Bruno Sourzac a posté les photos de la dernière course d’Olivier, avec quelques lignes de commentaire: «J’espère que tu as bien compris cette aversion de la société que j’ai exprimée hier et que je mets en relation directe avec la mort d’Olivier. Je me sens coupable de ne pas avoir pu le fréquenter suffisamment ces dernières années.

»Clairement, à la suite de son accident de 2005, il avait besoin de moi. Moi aussi, j’avais besoin de le voir. Bien sûr, il y a mes trois jeunes enfants, ma famille; mais nous étions si voisins! Ce qui me met en rogne, c’est de sentir que nous ne maîtrisons en rien notre destin, nous sommes directement impactés par ces p… de financiers-économistes qui font la pluie et le beau temps sur cette planète. Enfin, c’est ma vision actuellement, peut-être naïve, mais c’est comme ça que je le ressens. Un grand frère, ça compte…»

Plus tard, Bruno a aussi envoyé deux SMS. Après des réunions de débriefing avec les responsables des secours, il se dit «brassé», revient sur l’attitude «inhumaine» engendrée par ses responsabilités à l’ENSA. Une journée de beau avec vue sur les Jorasses a réveillé sa douleur.

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