Si je devais voter sur le projet de réforme constitutionnelle

Posted on décembre 29, 2015

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La procédure de révision est prévue à l’article 89 de la Constitution. La voie normale est prévue au § 2 :  c’est celle du référendum un vote du Congrès n’étant qu’un second choix laissé à l’initiative du Président de la République.

Voici le texte :

 » Titre XVI – DE LA RÉVISION

ARTICLE 89.

L’initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République sur proposition du Premier ministre et aux membres du Parlement.

Le projet ou la proposition de révision doit être examiné dans les conditions de délai fixées au troisième alinéa de l’article 42 et voté par les deux assemblées en termes identiques. La révision est définitive après avoir été approuvée par référendum.

Toutefois, le projet de révision n’est pas présenté au référendum lorsque le Président de la République décide de le soumettre au Parlement convoqué en Congrès ; dans ce cas, le projet de révision n’est approuvé que s’il réunit la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. Le bureau du Congrès est celui de l’Assemblée nationale.

Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire.

La forme républicaine du Gouvernement ne peut faire l’objet d’une révision. »

La question dont tout le monde débat depuis quelques jours est celle du projet de révision constitutionnelle portant notamment sur l’extension aux binationaux nés en France de parents étrangers et devenus français à leur majorité, de la sanction existante de déchéance de la nationalité française qui peut frapper les auteurs des crimes les plus graves (Actes de terrorisme articles 421-1 et suivants du Code Pénal) lorsqu’ils sont devenus français par décret de naturalisation.

Qu’en est-il de ces français visés  par le  projet de réforme.  Je relis le Code Civil. Art. 21-7

(issu de l’article 2 de la LOI no 98-170 du 16 mars 1998 relative à la nationalité )

« Tout enfant né en France de parents étrangers acquiert la nationalité française à sa majorité si, à cette date, il a en France sa résidence et s’il a eu sa résidence habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d’au moins cinq ans, depuis l’âge de onze ans.

Les tribunaux d’instance, les collectivités territoriales, les organismes et services publics, et notamment les établissements d’enseignement sont tenus d’informer le public, et en particulier les personnes auxquelles s’applique le premier alinéa, des dispositions en vigueur en matière de nationalité. Les conditions de cette information sont fixées par décret en Conseil d’Etat. »

Cette loi, revenant sur plusieurs modifications antérieures, a institué l’accession automatique à la  nationalité française, des enfants nés en France de parents étrangers.

Je vais aux débats parlementaires, pour comprendre les problèmes débattus lors de l’adoption de cette loi :

Extrait des débats parlementaires : Motion du Sénat, Commission Mixte Paritaire 269 (1997-1998). Nouvelle lecture : 287 et 292 (1997-1998). En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement :

« Considérant (…) [que le Sénat]  a souhaité le maintien de l’exigence d’une démarche individuelle volontaire pour l’acquisition de la nationalité française par les jeunes nés en France de parents étrangers, instituée par la loi du 22 juillet 1993, et a donc été conduit à supprimer, en première lecture, les dispositions du projet de loi tendant à revenir sur cette réforme récente du droit de la nationalité;

(…)

 » Considérant que (…) rien ne justifie de remettre en cause dans son principe la manifestation de volonté de devenir Français instituée par la loi du 22 juillet 1993 sur la base des propositions largement consensuelles de la Commission de la nationalité, les regrettables dysfonctionnements administratifs parfois apparus dans l’application de cette loi – au demeurant globalement satisfaisante – pouvant être corrigés sans réforme législative nouvelle;

Considérant que ce projet de loi n’est pas non plus opportun, notamment parce que les préoccupations liées à la conscription qui avaient autrefois conduit à prévoir une acquisition automatique de la nationalité française par les immigrés de la « deuxième génération » ne sont plus d’actualité et que la capacité d’intégration de la société française s’est affaiblie;

(…) En conséquence, conformément à l’article 44, alinéa 3, du Règlement, le projet de loi a été rejeté par le Sénat.

Qu’on ne vienne pas dire que ces idées, exprimées par le Sénat en 1998 seraient celles du  Front National  ! Celui-ci n’est entré au Sénat qu’en 2014 !

Ce débat nous revient, comme un boomerang et mérite quelques précisions. 

L’attribution de la nationalité relève de la souveraineté d’un Etat mais est en elle-même une notion du droit international et plus précisément du droit international privé. Le critère fondamental de l’attribution de la nationalité française, reste fondé dans notre ordre juridique, sur la fameuse « loi du sang »: « Est français, tout sujet dont un parent au moins est français » qu’il naisse en France ou à l’étranger.

La citoyenneté est  une notion différente qui relève de l’ordre interne : il s’agit de  la jouissance des droits civils, civiques (droits politiques) et de famille. Tout français peut en être déchu s’il commet une infraction grave (art. 131-26 du Code Pénal et 422-3 pour les actes de  terrorisme )

Art. 7 L’exercice des droits civils est indépendant de l’exercice des droits politiques, lesquels s’acquièrent et se conservent conformément aux lois constitutionnelles et électorales.

Dans notre ordre juridique, les étrangers ne jouissent que des droits civils qui font l’objet d’une réciprocité à l’égard des français,dans leur pays d’origine :

Art. 8  Tout Français jouira des droits civils.

Art.11 L’étranger jouira en France des mêmes droits civils que ceux qui sont ou seront accordés aux Français par les traités de la nation à laquelle cet étranger appartiendra.

L’étranger jouit de droits très étendus mais est assujetti en retour à des obligations :
Art. 3 du Code Civil :
« Les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent le territoire.
Les immeubles, même ceux possédés par des étrangers, sont régis par la loi française.
Les lois concernant l’état et la capacité des personnes régissent les Français, même résidant en pays étranger. »
Qu’on ne s’y trompe pas,  au motif que les règles relatives à la nationalité se trouvent dans le code civil : celui-ci comme on le voit, contient les  règles de droit international privé relatives à la condition des étrangers – et aussi, mais ce n’est pas le sujet, les règles dites de « conflit de lois ».

L’articulation entre nationalité et citoyenneté ne s’origine pas seulement dans le droit, mais dans l’exercice quotidien par le sujet, de ses droits et obligations  :

Et c’est en ce sens que la nationalité française est élective : un étranger, porteur d’une autre culture peut venir s’établir en France, mais ne pourra solliciter d’entrer dans la nationalité française, qu’au terme d’un parcours personnel où il révélera par son comportement, son adhésion aux valeurs républicaines françaises.

Où est la logique d’une accession automatique à la nationalité française des enfants d’un étranger qui n’a pas souhaité devenir français ou n’y a pas été admis, s’il n’a pas voulu ou pas été en mesure de transmettre à ses enfants des valeurs françaises auxquelles il n’adhère pas lui-même ?

Où est la logique de déclarer automatiquement « français » un enfant qui, comme « Victor, l’enfant qui ne voulait pas être adopté », rejetterait sa filiation à la société française ?

Un enfant ne peut pas porter un sac à dos rempli des pierres de la vie de ses parents.

Mais « l’information » prévue au § 2. de  l’article 21-7 du Code Civil, est-elle suffisante pour qu’un enfant né en France de parents étrangers puisse accéder à la nationalité et à la citoyenneté française du seul fait du lieu de sa naissance ?

Un français né dans un pays d’Afrique et qui y vit  toute son enfance, se sent-il forcément africain ? Non … cela  dépend de ce qu’il a vécu là-bas et ici et de  ce qui lui a été dit et appris.

Un enfant a droit à une éducation véritable.

L’éducation à la citoyenneté et l’accompagnement dans l’accession à la nationalité d’un enfant né en France de parents étrangers et ayant vocation à devenir français, ne peuvent être éludés. Sans doute le rôle des acteurs de l’éducation populaire doit-il être en ce sens revalorisé et soutenu.

Education à la citoyenneté et accompagnement vers l’accession à la nationalité française, doivent permettre à cet enfant d’identifier ses émotions, ses conflits de loyauté à l’égard de la culture d’origine de ses parents, qu’ils soient personnels ou induits par des propagandes diverses. Cet enfant a droit à ce que des moyens soient mobilisés, pour qu’il fasse en temps et en heure, un choix personnel et réfléchi relatif à sa nationalité. 

L’erreur ancienne commise en 1998, a aujourd’hui des conséquences. Il faut commencer à la réparer, juridiquement et socialement par des politiques publiques adaptées.

Si j’étais appelée à le faire, je voterais pour la « déchéance de la nationalité française » des  binationaux condamnés pour des actes de terrorisme ou auteurs, plus largement d’actes mettant en péril la France :  transmissions de données ou d’informations …l’imagination d’une personne hostile peut être très fertile.

Je n’accepterai pas qu’on m’oppose l’anachronisme historique stupéfiant qui consiste à dire que la déchéance de la nationalité française envisagée est de la même veine que les lois de Vichy, mettant sur le même plan les Résistants au fascisme français et les djihadistes !

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